Longtemps accusée d’user prématurément les articulations, la course à pied bénéficie aujourd’hui d’un regard neuf de la part de la communauté scientifique. Contrairement aux idées reçues, elle ne serait pas un facteur aggravant de l’arthrose du genou — elle pourrait même jouer un rôle protecteur.
L’ancienne croyance : courir use les genoux
Il a longtemps été admis que les impacts répétés lors de la course à pied provoquaient une dégradation progressive du cartilage. Cette idée repose sur une logique mécanique : à chaque foulée, les genoux encaissent une charge équivalente à plusieurs fois le poids du corps. Pour un coureur de 70 kg, cela représenterait plus de 200 kg sur les articulations à chaque pas, soit des milliers d’impacts par séance.
Cette conception, qui assimile le corps humain à une machine qui s’use à force d’utilisation, est désormais remise en cause par des recherches scientifiques rigoureuses. Le corps humain, et en particulier les articulations, possède des capacités remarquables d’adaptation aux contraintes mécaniques.
Les coureurs amateurs moins touchés par l’arthrose
Une étude phare, menée par le Dr Lo et son équipe, a suivi pendant huit ans des personnes de plus de 50 ans atteintes d’arthrose du genou, qu’elles soient coureuses ou sédentaires. Les résultats sont sans appel : les coureurs ne subissaient pas de dégradation accélérée du cartilage, et rapportaient même moins de douleurs articulaires que les non-sportifs.
D’autres études vont dans le même sens. L’American Journal of Sports Medicine a montré que chez certaines personnes présentant des signes précoces d’arthrose, un programme d’entraînement progressif améliorait les anomalies détectées à l’IRM.
Ces résultats s’expliquent par la nature même du cartilage : loin d’être un simple amortisseur passif, c’est un tissu vivant, capable de réagir positivement au stress mécanique. Les impacts réguliers de la course stimulent la production de collagène et de protéoglycanes, renforçant sa structure. Par ailleurs, la compression et la décompression favorisent la circulation du liquide synovial, essentiel à la nutrition du cartilage.
Une activité bénéfique… si elle est bien dosée
La course à pied peut également avoir un effet anti-inflammatoire local. Des chercheurs de l’université de Brigham Young ont observé une diminution des marqueurs inflammatoires dans le genou après l’effort. Plus globalement, une métaanalyse a montré que seulement 3,5 % des coureurs amateurs développaient de l’arthrose du genou ou de la hanche, contre 10,2 % des personnes sédentaires.
L’inactivité physique semble donc bien plus néfaste pour les articulations que l’exercice modéré. De plus, le surpoids constitue un facteur aggravant : chaque kilo supplémentaire multiplie par quatre la pression exercée sur les genoux lors de la marche. En contribuant au maintien d’un poids stable, la course à pied agit donc également comme un facteur protecteur.
Les excès peuvent être contre-productifs
Attention cependant aux excès. Si les bénéfices sont avérés pour une pratique modérée, la surcharge d’entraînement peut, elle, s’avérer délétère. Chez les athlètes professionnels courant plus de 50 km par semaine, le taux d’arthrose grimpe à 13,3 %, bien au-dessus de celui observé chez les coureurs amateurs.
Pour tirer profit des bienfaits de la course sans risquer la blessure, quelques principes doivent être respectés :
- Augmenter le volume progressivement, pas plus de 10 % par semaine ;
- Varier les surfaces pour répartir les contraintes ;
- Adopter une foulée économique avec une cadence élevée (170-180 pas/minute) ;
- Renforcer la musculature, notamment autour du genou.
Peut-on courir avec une arthrose existante ?
La réponse est oui, mais avec précaution. En cas d’arthrose légère à modérée, la course peut être maintenue à condition :
- D’éviter les séances lors des phases inflammatoires ;
- D’arrêter si la douleur augmente pendant l’effort ;
- De veiller à ce que la douleur ne persiste pas au-delà d’une heure après l’entraînement ou au réveil.
Les études suggèrent qu’un volume hebdomadaire compris entre 15 et 30 kilomètres, soit environ 2 à 4 heures de course, offre un bon compromis entre bénéfices et prévention des risques.
Conclusion : des genoux faits pour courir
La recherche contemporaine pousse à repenser notre vision du corps humain. Loin de s’user mécaniquement avec l’âge, nos articulations peuvent au contraire se renforcer lorsqu’elles sont sollicitées intelligemment. La clé réside dans la régularité, la progressivité et l’écoute du corps.
Ainsi, la course à pied n’est pas l’ennemie des genoux. Bien au contraire, elle peut devenir leur alliée, à condition de respecter un cadre raisonnable et adapté.
🏃♂️ Continuer de courir, c’est entretenir la santé de ses articulations pour aujourd’hui et pour demain.
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